Les Matelots
Les Matelots
Les matelots
Voici venir deux matelots,
Buckingham l’écumeur des flots
Et le parpaillot de Soubise.
Ils demandent l’île de Ré,
Mais Saint-Martin ni son Curé
N’aiment ceux de leur église.
Ayant le généreux Toyras,
Ils mangeront plutôt les rats
Et les souris que de la rendre ;
Aussi, jamais un vrai Gaulois
Ne fut la proie des Anglais
Avant que de bien se défendre.
Ces habiles aventuriers,
Suivis des plus nobles guerriers
Des boutiques de l’Angleterre,
Jurent toutefois qu’ils l’auront,
Et j’estime que non feront.
S’ils n’entendent mieux la guerre.
Néanmoins, La Rochelle en sait
Retenir d’un aise parfait
Ses carillons à la Romaine,
S’imaginant déjà partout
Ces pirates de bout en bout
Commander à la Guyenne.
Tandis ces braves champions,
Ces roitelets, ces deux pions,
Blanchissent la mer sous leurs voiles,
Qui parfois rougit de leur sang,
Quand ils osent montrer le flanc
A la merci des étoiles.
Jadis, les navires des fous,
Dont les romans discourent tous,
Firent de plaisantes affaires.
Nous les voyons encore ici
Par les navires de ceux-ci,
Qui bientôt seront galères.
Petits hobiers audacieux,
Petits mouchets ambitieux,
Le héron n’est pas votre chasse,
Cuidant prendre on est souvent pris,
Voler pour les chauve-souris
Est l’essor de votre audace.
Quand l’Angleterre et son pouvoir,
Autant qu’elle doit en avoir,
Irait jusqu’au pôle antarticque,
Le nom de Louis seulement
La ferait par étonnement,
Devenir paralytique.
Allez donc, corsaires de mer,
Levez l’ancre, peur d’abiîmer,
Démarrez en tournant la proue !
Vous n’êtes gens pour nos efforts,
Regagnez votre île et vos ports,
Ou vous aurez sur la joue.
Allez remparer vos cités,
Car bientôt vous serez traités
Gaillardement, à la française.
Vous avez commencé le jeu
De qui vous n’éteindrez le feu
Sans y trouver de la noise.
Et vous, Messieurs leurs bons amis,
Redonnez-vous aux fleurs de lys
Que l’on aima dans La Rochelle.
A des gens ne vous alliez
Qui furent jadis étrillés
De la main d’une Pucelle.
On en rirait de temps en temps
Et ne seriez guère contents
D’ainsi misérables vous rendre,
Pour ce que le frère d’un roi,
Si vous ne lui donnez la foi,
Mettra vos remparts en cendre.
Quittez donc ces deux matelots,
Buckingham, l’écumeur des flots,
Et le parpaillot de Soubise
Qui n’auront pas l’île de Ré,
Car Saint-Martin et son Curé
N’aiment ceux de leur Église.
Puis, Schomberg a juré sa foi
Devant la Majesté du Roi,
Que jamais Pothon, ni La Hire,
Ne frottèrent mieux ces renards
Avec leurs flèches et leurs dards,
Qu’il le fera sans le leur dire.
Et vous, soldats, qui méritez
Les gloires et les dignités
De Landrecy, prenez courage,
Éternisez-vous dans le fort,
C’est peu de chose que la mort,
Quand on revit d’âge en âge.
F.Fr.12616 - Barbier-Vernillat, I, 138-141