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Regrets des bourgeois de Lille

Regrets des bourgeois de Lille

Regrets des bourgeois de Lille

Chantons tous d’une triste voix

Les regrets des pauvres Lillois.

Messieurs, entendez leurs complaintes

Et soyez témoins de leurs pleurs :

Vous serez touchés de leurs plaintes

Si vous êtes chrétiens d’honneur.

Hélas ! tous ces pauvres Lillois,

Tant les marchands que les bourgeois,

Mais surtout les bons catholiques,

Pleurent de chagrin maintenant

De voir chez eux les hérétiques

Qui les traitent fort rudement.

On voit de malheureux Anglais,

Des Saxons et des Écossais,

Briser les Très Saintes images

De Dieu, de la Vierge, et des Saints.

D’autres de ces gens, pleins de rage,

Les traitent comme des vilains.

Hélas ! dit le peuple Lillois,

Nous perdons le meilleur des Rois

De perdre le bon Roi de France

Qui pendant plus de quarante ans

Nous a tous en magnificence

Regardés comme ses enfants.

Hélas ! pour nous quel crève-cœur,

Quelle amertume ! quel malheur !

De voir gens pis que des sauvages

Dire du mal de notre Roi,

De n’entendre point leur langage,

Et qui vivent sans foi, sans loi.

Hélas ! fallait-il s’étonner

De les voir à l’envi brûler

Les Églises Paroissiales,

Tant de Chapelles, de Couvents,

De leurs machines infernales,

De boulets rouges mêmement.

Que nous verrons de pauvretés,

Et que nous serons mal traités.

On nous empêchera les vivres

Cet hiver de tous les côtés.

Dieu nous assiste et nous délivre

De leurs dures méchancetés.

Dans un cabaret arrivés,

Aussitôt qu’ils se sont crevés,

Ils maltraitent l’hôte et l’hôtesse,

Et puis, ils s’en vont sans payer.

Par tout Lille on entend sans cesse

Crier au meurtre et soupirer.

On n’a jamais vu pauvreté,

Ni si grande calamité.

Si Dieu contre nous tous s’irrite

Dans cette grande affliction,

Lille bientôt sera réduite

En grande désolation.

Puisque nous n’avons plus de grain,

Nous allons donc mourir de faim.

Que nous allons voir de misères !

Que Lille essuiera de tourments !

Que Dieu et sa Très Sainte Mère

Nous en délivrent promptement !

On n’est pas surpris maintenant

Que ceux de Bruges, ceux de Gand

Soient dévoués au Roi de France,

Soient ennemis des Hollandais,

Ne pouvant voir les insolences

Que faisaient chez eux les Anglais.

Ô vous, les peuples de Tournai,

De Valenciennes et de Cambrai,

Soyez fidèles à la France

Et priez pour Sa Majesté

Qu’il puisse dompter l’arrogance

Des Anglais pleins de cruauté.

Numéro
*0001


Année
1708




Références

Barbier-Vernillat, III, 12-14