Stances
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Armand armant toute la terre
Jurait une éternelle guerre
Et la désirait pour jamais,
La tramant à son avantage.
N’était-ce pas être bien sage
De la préférer à la paix ?
Mais la mort perfide et cruelle,
Se mêlant dedans la querelle,
Fit un trait de sa trahison,
Et malgré toute la puissance
Elle fit un coup de vengeance,
Arrivé bien hors de saison.
Vu que cette illustre personne
Qui méritait une couronne,
Ou du moins qui la prétendait,
Par ce coup fatal à sa gloire,
Vit sa fin digne de mémoire
Perdre l’honneur qu’elle attendait.
Si dans l’influence divine
L’on dit que le Ciel nous destine
Et qu’il ordonne notre fin,
Révérons donc cette puissance
Et disons que Son Éminence
A dû rendre hommage au destin.
Mais chacun voudrait bien apprendre
Quelle couronne osait prétendre
Ce prélat plein d’ambition ;
S’il prétendait la temporelle,
Ou plutôt la spirituelle,
Sortable à sa condition ;
Aucuns diront que ce grand homme
N’aspirait qu’à celle de Rome,
Vu qu’il était si bon Français
Que bien qu’il eut tant d’avantages
Il n’eût jamais eu le courage
D’usurper celle de nos Rois.
Car, dira-t-on, quelle apparence
Qu’en qualité de Révérence,
Et de prêtre et de grand prélat,
Que le Ciel jamais autorise
Qu’au lieu de régir son Église
Il régnât comme un potentat ?
Nous lisons partout dans l’histoire
Qu’autrefois l’une et l’autre gloire,
Celle de pontife et de roi,
S’alliaient justement ensemble,
Et ce cardinal, ce me semble,
Se prévalait de cette loi.
L’une et l’autre couronne échappe,
Celle de roi, celle de pape,
A celui qui veut usurper ;
Si par malheur il se rend maître
Le Ciel enfin lui fait connaître
Qu’on ne le peut jamais tromper.
Le temps découvre toute chose
Et nous saurons enfin la cause
Des effets du cardinal.
C’est assez dit, il faut se taire,
Un jour on saura le mystère
Qui cachait le bien ou le mal.
Tableau de la vie de Richelieu, p.137-38
Ci-gît 0253