Aller au contenu principal

Sans titre

Sans titre

Arrête1 et médite en passant2

Sur le trépas du plus puissant

Qui jamais ait vu la lumière:

Le cardinal de Richelieu

Est enfermé dans cette bière,

Lui qu’on révérait comme un Dieu

 

Il vivait du temps de Louis3

Et mit si haut les fleurs de lys

Qu’on les vit de toute la terre.

Son chapeau marchait au-devant

Qui les garantit du tourment

Et les sauva du mauvais vent.

 

Il fut si puissant près son roi

Qu’outre qu’il lui donnait la loi

Il machina l’echet et mate

Et rien n’arrêtait ce torrent

S’il eût pensé que l’écarlate

Eût pu prendre le bleu mourant. 

 

Ses plus ordinaires ébats,

C’était de troubler les États

Et de porter partout la guerre.

Il mit l’Espagne à la raison;

Il sut étonner l’Angleterre

Et remit S. Pierre en prison.

 

Les princes étaient ses sujets;

Les rois redoutaient ses projets;

Il avait ébranlé l’Empire;

Et s’il eût eu plus de santé,

Il forçait Rome de l’élire

Successeur de Sa Sainteté.

 

Pendant son temps tous nos Bourbons,

Errants comme des vagabonds,

Ne servirent qu’aux tragédies.

Des désastres des plus grands rois

Il en faisait des comédies

Pour notre Théâtre françois.

 

Durant un règne de vingt ans,

Il se moqua des mécontents;

Les partis étaient morts en France

Il mit si bas ses ennemis

que rien ne heurta sa puissance

Que la Parque qui l’a soumis.

 

Comme il eut toujours l’esprit fort

Il fut égal jusqu’à la mort.

Il vit son heure sans contrainte,

Sa grandeur ne le toucha point

Sa mort paraissait une feinte

Passant, rumine sur ce point.

  • 1Arrête, me dit un passant (Lyon MS 1544)
  • 2Air du Prévôt des Marchands
  • 3Les couplets 2, 3, 6 et 8 ne se trouvent que dans le Trésor des épitaphes.

Numéro
*0218


Année
1642




Références

Nouveau Siècle, t.I, p.29-30 - Lyon BM, MS 1544, p.56-57 - Trésor des épitaphes, p.14-16 -Tableau de la vie de Richelieu, p.132-33


Notes

Ci-gît 0158